La Mission de l’Église et les Œuvres Pontificales Missionnaires
di Arcivescovo Giampietro Dal Toso *
« Allez donc et enseigner toutes les nations, les baptisant au nom du Père e du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé. » (Mt 28, 18-20). Pourquoi l’Église est-elle missionnaire ? Et que signifie mission aujourd’hui ? Il est important de remonter à ces questions fondamentales, pour donner un sens toujours plus profond à notre activité.
INTRODUCTION
Nous savons que le mandat missionnaire vient de Jésus lui-même, à la fin de son existence terrestre, quand il rencontra ses apôtres pour la dernière fois. C’est pourquoi ce mandat missionnaire fait de l’évangélisation la grâce, la vocation propre et l’identité profonde de l’Église (Cf. Evangelii nuntiandi, n. 14). Donc le mandat missionnaire continue d’être une priorité absolue pour tous les baptisés, en tant qu’ils font partie de l’Église. La mission d’évangélisation que l’Église a reçue du Christ est appelée à prendre corps dans le temps et dans l’espace, dans un endroit concret et à toucher des populations concrètes, des êtres humains visibles et palpables. Même Dieu s’est fait homme pour que nous puissions rentrer en contact concret avec lui. Ainsi l’Église aussi doit devenir visible dans les communautés chrétiennes présentes à travers l’annonce de la Parole et les sacrements. Voilà le cœur de notre mission en tant que Œuvres Pontificales Missionnaires. Je voudrais avant tout le présenter ; puis faire une réflexion sur les principes théologiques qui inspirent notre travail.
1. LES ŒUVRES PONTIFICALES MISSIONAIRES
À la lumière du mandat de l’Église à être signe et instrument du salut, nous devrions considérer les Œuvres Pontificales Missionnaires, leur service charismatique pour la Mission de l’Église.
Comment pouvons-nous définir les Œuvres Pontificales Missionnaires en une phrase? Elles constituent un réseau mondial au service du Saint-Père pour soutenir la mission et les jeunes Églises par la prière et la charité. Dans une courte vidéo récemment publiée et que l'on peut trouver sur notre page Web, le Pape lui-même affirme que les OPM sont importantes mais pas très connues. C'est aussi mon expérience personnelle.
Comme vous le savez, les Œuvres Pontificales Missionnaires sont quatre. Selon l’ordre chronologique de leurs fondations, elles sont: l’Œuvre pour la Propagation de la Foi, l’Œuvre de la Sainte Enfance ou Enfance Missionnaire, l’Œuvre de Saint Pierre Apôtre. Celles-ci sont nées en France au 19ème siècle, deux d'entre elles sont les initiatives des femmes passionnées pour la mission. Je dois mentionner en particulier la fondatrice de la première Œuvre, Pauline Jaricot, dont le processus de béatification est en cours, car elle a exprimé le principe fondamental qui gouverne toutes les œuvres: prier et offrir des sacrifices pour la mission d’évangélisation de l’Église. L’Œuvre pour la Propagation de la Foi soutient économiquement la pastorale des jeunes Églises; l’Œuvre de la Sainte Enfance est un instrument pastoral qui agit selon le principe suivant: "Les enfants évangélisent les enfants"; l’Œuvre de Saint-Pierre l'Apôtre contribue à la construction, à la gestion ordinaire et à la formation des séminaires et des noviciats diocésains locaux des instituts religieux dans les territoires de missions. La quatrième Œuvre, l’Union Pontificale Missionnaire, a été fondée en Italie grâce au zèle missionnaire du bienheureux Paul Manna, prêtre et membre de l’Institut Pontifical pour les Missions Etrangères (PIME), qui, au début des années 1900, voulait éveiller et promouvoir la conscience missionnaire baptismale du peuple de Dieu et donner une dimension missionnaire universelle au sacerdoce ministériel.
Dans la lettre Maximum Illud, dont nous célébrons le centenaire cette année, le Pape Benoît XV a déjà parlé de l'importance des Œuvres Missionnaires. En 1922, le Pape Pie XI fit un pas de plus: il accorda aux Œuvres le statut de "Pontifical" et transféra leurs secrétariats à Rome. Le Pape a ainsi formellement reconnu le charisme des Œuvres; il les fit siennes et les adopta comme son instrument pour soutenir la missio ad gentes de l'Église par la prière et la charité. Je voudrais souligner cet événement historique, car il a une influence déterminante sur la qualité des Œuvres Pontificales Missionnaires: ce sont les Œuvres du Pape et à travers elles, le Pape prend en charge les nombreux besoins pastoraux des jeunes Églises. Cette connexion profonde avec le ministère Pétrinien est également évidente du fait que, à la fin des années 1920, Pie XI voulait établir - également à la suggestion du Séminaire de Sassari - la Journée mondiale des Missions. Depuis lors, il a décidé que la collection faite ce jour-là serait entièrement attribuée à l’Œuvre Pontificale pour la Propagation de la Foi, exactement comme une expression du souci de l'Église universelle envers les Églises du monde entier.
Je suis frappé par le fait que, depuis lors, le Magistère de la Mission a toujours fait référence aux Œuvres Pontificales Missionnaires. Parmi d'autres textes, je cite le décret Ad gentes du Concile Vatican II qui, au numéro 38, en mentionnant les devoirs de l'Evêque à l'égard de la mission universelle, déclare: « L'évêque exhortera et aidera les congrégations diocésaines à assumer leur part propre dans les missions ; de promouvoir auprès de ses fidèles les œuvres des instituts missionnaires, mais particulièrement les Œuvres pontificales missionnaires. Car c’est à ces œuvres qu’à bon droit doit être attribuée la première place, puisqu’elles sont des moyens pour pénétrer les catholiques, dès leur enfance, d’un esprit vraiment universel et missionnaire, et pour provoquer une collecte efficace de fonds au profit de toutes les missions, selon les besoins de chacune. » (AG 38).
D'un point de vue structurel, les Œuvres sont à la fois universelles et locales. Elles sont coordonnées au niveau universel par les quatre Secrétariats internationaux, sous un seul président, et confiés à la Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples. La dimension locale se manifeste dans le fait que nous avons environ 120 directions Nationales qui soutiennent les directeurs diocésains. En fait, le code de droit Canon au can. 791 stipule que dans chaque diocèse « un prêtre doit être désigné pour promouvoir efficacement les efforts des missions, en particulier les Œuvres Pontificales Missionnaires ». La grande tâche des OPM est de sensibiliser de sensibiliser pour la mission. En effet, conformément aux enseignements des Papes et du Concile, la mission est une tâche confiée à tout le Peuple de Dieu. Les OPM ont le mandat spécial de maintenir cet esprit missionnaire vivant, et c’est dans ce but que la célébration du Mois Missionnaire Extraordinaire d'octobre 2019 a été voulue. Il y aura occasion d’en parler durant ces jours.
Gardons à l’esprit que nous parlons d’un charisme. J'utilise expressément le terme «charisme», car nos Œuvres Missionnaires ne seraient pas compréhensibles sans l'inspiration du Saint-Esprit. Cela est évident si nous considérons le contexte historique de la première moitié du 19ème siècle dans lequel ils ont été fondés. Plusieurs saints vivaient alors dans le diocèse de Lyon: Saint Jean Marie Vianney, Saint Pierre Julian Eymard, le fondateur de la Congrégation du Saint-Sacrement, Saint Pierre Chanel, qui est devenu apôtre et martyr en Océanie. Le charisme missionnaire des OPM est né dans ce contexte de sainteté pour soutenir la mission par la prière et la charité. En fait, notre fondatrice, la vénérable Pauline Jaricot, a réuni ses amis pour prier et collecter des fonds pour les missions. Ce charisme, ce don de l'Esprit Saint est un moyen concret de participer à la subjectivité de l'Église dans l'accomplissement du mandat missionnaire. L’Église, précisément en tant que corps constitué de membres, est promotrice de l’évangélisation. Le soutien que nous offrons a une fonction très importante: aider les missionnaires à ne pas se sentir seuls, mais plutôt soutenus par toute l’Église. En fait, comme personne ne peut croire seul, personne ne peut être missionnaire seul. L’ensemble de l’Église est sujet d’évangélisation et, par conséquent, aucun missionnaire n’est seul, mais soutenu par le reste de la communauté chrétienne au nom de laquelle il accomplit sa mission.
De plus, la mission est un domaine privilégié dans lequel se manifestent les relations d’enrichissement mutuel entre l’Église universelle et l’Église locale. J’en parlerai plus tard de toute façon.
Je vais illustrer maintenant quelques domaines spécifiques aux activités des O.P.M. qui doivent être faites en collaboration entre la Direction Nationale et les Directions diocésaines. Au niveau national les deux points de référence pour le travail sont les Évêques et les directives diocésaines
A. Maintenir l’esprit missionnaire vivant dans l’Église par l’animation et la formation missionnaires. Les derniers Pontifes ont insisté sur la centralité de l'évangélisation et son union intime avec la foi: la mission est l'expression de ce dynamisme de la foi. Encourager la mission signifie encourager l'esprit de foi et, par conséquent, le témoignage chrétien. L'animation missionnaire est réalisée par la sensibilisation, les réunions, la promotion de la formation et la préparation de la Journée Mondiale des Missions. Je vous invite à utiliser dans ce sens les moyens qui nous sont offert par l’internet / le monde digitale.
B. Encourager la prière pour les Œuvres. Récemment, le Pape François nous a rappelé la centralité de la prière, qui est l’âme de la mission. C'est en effet le Saint-Esprit qui maintient en vie la mission de l'Église. Les Œuvres Pontificales Missionnaires ont été fondées dans cet esprit de prière qu’elles continuent à cultiver. N'oublions pas que le Saint patron des Œuvres est une religieuse carmélitaine qui priait sans cesse pour les missions sans y être jamais allée.
C. Cultiver la formation missionnaire. En collaboration avec les Secrétariats Internationaux à Rome, nos Œuvres Pontificales Missionnaires offrent des possibilités de formation aux prêtres, aux laïcs et aux religieux intéressés par la mission. Ce domaine de formation devient de plus en plus important, notamment parce que le Pape a demandé le «remodelage» de nos Œuvres «conformément aux exigences de l’Évangile»: quel est le rôle des OPM dans le contexte de notre monde moderne et du monde et la situation ecclésiale actuelle qui diffère grandement de celle dans laquelle nos Œuvres ont été fondées à l’origine? Offrir de différents niveaux de formation est notre manière d'essayer de répondre à ce que le Saint-Père nous a demandé.
D. Favoriser la collecte en faveur des missions, en particulier la quête pour la Journée Missionnaire Mondiale, l'avant-dernier Dimanche d'octobre, le Dimanche des Missions. Comme nous le savons, l’argent n’est pas l’aspect le plus important, mais il est néanmoins nécessaire. Comme je l'ai dit, cette quête, par la volonté exprimée du Souverain Pontife, est entièrement destinée au Fonds universel de solidarité: les secrétariats internationaux des Œuvres Pontificales Missionnaires gèrent les fonds que les fidèles des Églises locales du monde entier mettent à disposition du Saint Père, afin qu'il puisse les utiliser pour soutenir les jeunes églises. Pour les OPM, il est important que même les diocèses des pays les plus pauvres contribuent à ce Fond. Je crois qu’il s'agit du seul cas, là où une institution constituée au sein de l’Église, tout le monde offre quelque chose, et ce qui est offert est donné à ceux qui en ont le plus besoin. Comme vous le savez, les Œuvres Pontificales Missionnaires financent différents types de projets pastoraux: la construction des églises et de séminaires, l’impression de matériel liturgique, le soutien aux Évêques émérites, la formation de catéchistes, etc. Ce sont presque les seules institutions à maintenir en vie les diocèses des territoires de mission. Je tiens à souligner qu’il s’agit d’un excellent service, qui permet de répartir équitablement l’aide et garantit au moins un soutien minimal à toutes les circonscriptions des territoires des missions. Cette juste distribution au nom du Saint-Père à travers les Œuvres permet à chacun d’avoir quelque chose. Un autre grand service offert par les OPM est le financement de certains collèges romains où les prêtres et les religieuses des pays de mission étudient. C’est un excellent investissement pour l’avenir car, permettre aux jeunes prêtres et religieux d’étudier à Rome, c’est contribuer à la qualification des jeunes Églises par un personnel bien formé. Grâce à Dieu, le nombre de fidèles et de diocèses continue de croître dans les territoires de mission et, par conséquent, l'effort financier requis de notre part augmente également. Pour cette raison, il est important pour nous, que les Directions Nationales promeuvent la Quête Mondiale du Dimanche pour les Missions, faite en octobre. Je vous demande d'être créatif. Il est essentiel pour nous d'aider les fidèles à comprendre que les OPM soutiennent l'action du Saint-Père et a une vision universelle, c'est-à-dire qu'elles permettent à l'Église locale de soutenir l'activité de l'Église universelle. La coopération missionnaire entre les Églises locales ne se substitue pas au service missionnaire universel du Successeur de Pierre, qui joue le rôle de Pasteur Universel auquel le soin de toute l'Église, de toutes les Églises, de tous les catholiques, a été confié. Je voudrais réitérer que, s'il est vrai qu'en donnant on reçoit, tout ce qui est donné pour la mission - personnes, énergies, fonds - devient une bénédiction pour le bien du diocèse qui gagne à son tour en dynamisme, témoignage de vie, et engagement, notamment vocationnel.
E. J’aimerai aussi souligner l’importance de l’agence FIDES. C’est l’organe d'information des Œuvres Pontificales Missionnaires. Les Directions nationales par leurs bureaux de presses doivent travailler en collaboration avec l’agence pour transmettre les informations des réalités missionnaires de chaque continent. Pour le moment les publications sont faites en 7 langues : Italien, Anglais, Espagnol, Français, Allemand, Chinois, Arabe.
2. PRINCIPES THÉOLOGIQUES
Et maintenant quelques principes théologiques qui inspirent notre activité.
2.1. L’ÉGLISE COMME SACREMENT
L’Église ne se comprend qu’en lien avec le Christ ; c’est en lui seul, lumière des nations, qu'il faut chercher à comprendre la nature profonde et la mission universelle de l’Église.
Les diverses images de la Constitution Lumen Gentium (LG) nous aident à l’éclairer : peuple, corps, épouse, mystère. Mais toutes ces images ont leur lumière dans le Christ, qui est la source d’où l’Église se reçoit et sans laquelle elle ne peut exister. Car en réalité, tout homme a cette possibilité d’entrer en contact avec le Christ et d’avoir une relation personnelle avec Lui à travers le mystère de l’Église. La communauté chrétienne est en soi un moyen d’évangéliser. “A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns pour les autres.” (Jn 13: 35). Le Christ continue à se rendre présent à travers l’action de l’Église qui devient ainsi le lieu de l’expérience du salut de Dieu. L'Église ne donne pas seulement les sacrements; elle est elle-même sacrement.
Dans le but d’affirmer la vraie nature de l’Église et sa mission dans le monde, le document conciliaire Lumen Gentium utilise l’expression mystère du salut et du sacrement. Il déclare : «L’Église étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain, elle se propose de préciser davantage, pour ses fidèles et pour le monde entier sa propre nature et sa mission universelle » (LG n°1). Pour mieux appuyer cette affirmation et la compléter le n° 48 du même document définit l’Église comme universale salutis sacramentum : « Le Christ élevé de terre a tiré à lui tous les hommes ; ressuscité des morts, il a envoyé sur ses apôtres son Esprit de vie et par lui a constitué son Corps, qui est l’Église, comme le sacrement universel du salut ».
C’est sûrement surprenant de voir appliquer à l’Église le terme du sacrement, étant donné que l’Église est une réalité personnelle et non rituelle. Il n’est donc pas question d’un huitième sacrement. Cependant l’analogie avec le sacrement est tout à fait légitime. En effet, comme dans le cas des sacrements, la vocation de l’Église est de révéler et de réaliser l’union intime avec Dieu et l’unité du genre humain tout entier. Elle est signe et instrument. En tant que « Corps mystique du Christ » (L. G. n° 8), l’Église est le lieu et le « milieu » où se vit la rencontre intime avec Dieu et où se prépare l’union de l’humanité entière.
La redécouverte de la spécificité de l’Église comme initiative de Dieu dans le monde a permis de mieux saisir la nature véritable des sacrements. « Corps mystique du Christ » (L. G. 7), réalité unique dans laquelle s’articulent les dimensions visible et invisible, institutionnelle et spirituelle, l’Église apparaît non seulement comme celle qui confectionne les sacrements, mais d'abord comme celle qui les reçoit de Dieu le Père à travers Jésus Christ dans l’Esprit. Pendant ce temps, en recevant elle est moisie comme sacrement universel, à savoir comme l'humanité sauvée en coopération subordonnée avec le Christ pour notre salut. En même temps, elle les porte en elle, comme l’épouse porte l’enfant à naître. Nous pouvons dire que, même si l'Église est en même temps le destinataire des sacrements, parce qu'elle les reçoit, elle est aussi à leur service, parce qu'elle nous les transmet de manière subordonnée.
De la même manière, les sacrements cessent d’être considérés comme des formalités ponctuelles par lesquelles les familles chrétiennes marquent leurs membres, ou comme les devoirs que les catholiques doivent accomplir vis-à-vis du Dieu Tout-puissant. Ce sont des signes auxquels nous participons par la foi. De cette sorte, leur signification est restituée : par les sacrements, nous participons à l'Alliance initiée par Dieu lui-même. Ainsi les sacrements ne doivent être pensés qu’en relation avec les événements historiques du salut. Et inversement, l’Église est le sacrement fondamental de base, en raison de son universalité et de son apostolicité, sans laquelle les sacrements ne peuvent être compris et pleinement vécus.
Sans les sacrements, l’Église, le peuple des croyants se réduirait à une association parmi d’autres qui rassemblerait, de temps en temps, ses adhérents pour évoquer la mémoire de son fondateur. Sans les sacrements, l’Église perdrait son identité propre, celle qu’elle reçoit chaque jour du Christ vivant et son énergie intérieure qu’elle reçoit de son Esprit.
Pour l'Église catholique, le mystère de l'incarnation continue et s'étend dans l'Eucharistie. L’Eucharistie fait l’Église et ainsi se constitue un lieu visible où l’on reconnaît que Jésus Christ sauve : ainsi l’un des buts essentiels de l’Eucharistie est de construire la communauté chrétienne, dans un lieu et en un temps particulier, parce que le salut Jésus Christ n’est pas un salut abstrait, mais se réalise concrètement dans l’histoire. La visibilité de l'Église en tant que lieu de salut correspond à la visibilité du Christ dans son incarnation et dans son corps ressuscité et glorifié. Ainsi chacun trouve sa place et tous vivent en communion les uns avec les autres et ensemble témoignent le salut que le Christ réalise en nous, à travers l'Église.
Donc lorsque l’on dit que l’Eucharistie fait l’Église, on veut surtout dire que l’Eucharistie fait l’unité dynamique de l’Église. L’Eucharistie fait aussi l’Église apostolique et missionnaire : le mot « messe » vient du latin « missa » c’est-à-dire l’envoi des Apôtres. L’Église se rassemble pour être envoyée et est envoyée pour rassembler. Le cœur de l'Église est donc son apostolicité, à savoir qu'elle est reçue de Jésus-Christ par les douze apôtres et unie pour être envoyée en mission. On comprend donc que l’activité missionnaire ne peut se passer sans la dimension ecclésiale et donc sacramentelle de l’Église.
« La communion et la mission sont profondément liées, elles s'interpénètrent et s'impliquent mutuellement, au point que la communion représente à la fois la source et le fruit de la mission: la communion engendre la mission et s'accomplit dans la communion. C'est toujours le même et unique Esprit qui réunit et unifie l'Église et qui l'envoie annoncer l'Evangile "jusqu'aux extrémités de la terre." (Actes 1: 8). De son côté, l'Église sait que la communion reçue par elle comme don, est destinée à tous les hommes. C’est ainsi que l’Église estime devoir à chaque individu et à l’humanité dans son ensemble, le don reçu du Saint-Esprit qui répand la charité de Jésus-Christ dans le cœur des croyants, comme une force mystique pour la cohésion interne et la croissance externe. La mission de l'Église découle de sa propre nature. Le Christ l'a voulu ainsi: celui de "signe et instrument ... de l'unité de tout le genre humain" [120]. Une telle mission a pour but de faire connaître à tous et de vivre la "nouvelle" communion que le Fils de Dieu devenu homme a introduit dans l'histoire du monde. À cet égard, le témoignage de l’évangéliste Jean définit de manière indéniable la fin bénie vers laquelle se dirige toute la mission de l’Église: "Nous vous proclamons aussi ce que nous avons vu et entendu, afin que vous ayez communion avec nous et notre communion est avec le Père et avec son Fils, Jésus-Christ "(1 Jn 1, 3)" (Jean Paul II, Christifideles laici, 32).
2.2. L’ÉGLISE LOCALE ET L’ÉGLISE UNIVERSELLE
Le devoir missionnaire unit l’Église locale et l’Église universelle. Ce sont des réalités distinctes, mais non séparées, sur lesquelles il vaut la peine de s’arrêter parce que même les OPM sont à la fois universelles et locales.
En langage chrétien, dit le Catéchisme de l’Église Catholique N° 752, le mot « Église » désigne l’assemblée liturgique « Car j’apprends que lorsque vous vous réunissez en assemblée, il se produit parmi vous des divisions » (1 Co 11, 18 ; Cf. 1 Co 14, 19. 28. 34. 35), mais aussi la communauté locale : « Paul, appelé à être apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu, et Sosthène le frère, à l'Église de Dieu établie à Corinthe… » (1 Co 1, 2 ; Cf. 1 Co 16, 1 ; Rm 16,1) ; ou toute la communauté universelle des croyants : « Et ceux que Dieu a établis dans l’Église sont premièrement les apôtres… » (1 Co 12, 28 ; Cf. 1 Co 15, 9 ; Ga 1, 13 ; Ep 1, 22-23 ; Ph 3, 6 ; Col 1, 18). Ces trois significations sont en fait inséparables et montrent le rapport réciproque dans l’Église, à partir de l’Eucharistie.
D’abord, Jésus-Christ n’a voulu qu’une seule Église. Cette Église unique de Jésus-Christ trouve “sa substance et ses éléments constitutifs” dans chaque Église locale (LG 26). Église locale et Église universelle s’intègrent mutuellement, l’Église unique de Jésus-Christ étant présente dans chaque Église locale, surtout chaque fois que l’Eucharistie est célébrée. Puisque l’unique Seigneur Jésus-Christ est présent dans chaque Église locale, une Église locale existe, non pas isolément par elle-même, mais en communion avec toutes les autres Églises locales. De même que l’Église universelle a pour “substance constitutive et pour éléments constituants” les Églises locales, de même chaque Église locale a pour “substance constitutive et pour élément constituant” la seule Église du Christ. L’unité de l’Église est donc une unité dans la communion, excluant l’égoïsme et l’autonomie régionale ou nationale d’une Église locale. En effet, ayant reçu un même baptême, nous célébrons une même Eucharistie quel que soit l’endroit où nous sommes dans le monde, même si c’est à travers des formes variées. Églises locales et Église universelle sont présentes au cœur les unes des autres ; elles sont à la fois concentriques et périphériques les unes aux autres. L’Église en effet est constituée sur le modèle de la Trinité qui est un seul Dieu en trois personnes (LG 4 ; UR 2). L’unité ne signifie donc pas l’uniformité ; l’unité de l’Église n’exclut pas, mais intègre sa diversité. Et surtout, comme la Trinité dans la communion est missionnaire, ainsi l’Église dans son unité vit de la mission. Ce mandat missionnaire est confié à chaque Église locale, dans la perspective de la mission universelle.
C’est là notre charisme particulier : d’ouvrir l’Église locale à son appartenance à l’Église universelle. Là on doit aider surtout les Évêques : « Successeurs légitimes des Apôtres et membres du collège épiscopal, les évêques doivent se savoir toujours unis entre eux et se montrer soucieux de toutes les Églises ; en vertu de l’institution divine et des devoirs de sa charge apostolique, chacun d’eux, en effet, est responsable de l’Église, ensemble avec les autres évêques. Qu’ils aient en particulier le souci de ces régions du monde où la Parole de Dieu n’a pas encore été annoncée, ou dans lesquelles, en raison surtout du petit nombre de prêtres, les fidèles sont exposés au danger de s’éloigner des commandements de la vie chrétienne et plus encore de perdre la foi elle-même. Il leur faut donc travailler de toutes leurs forces à ce que les œuvres d’évangélisation et d’apostolat soient soutenues et développées avec ardeur par les fidèles. De plus, ils feront en sorte que soient préparés des ministres sacrés qualifiés, ainsi que des auxiliaires, religieux ou laïcs, pour les missions et les pays souffrant du manque de clergé. Ils auront également soin d’envoyer, dans la mesure du possible, certains de leurs prêtres, dans ces missions ou ces diocèses, pour y exercer le ministère sacré de façon durable ou transitoire. En outre, dans l’usage des biens ecclésiastiques, les évêques doivent penser à tenir compte non seulement des besoins de leur propre diocèse, mais encore de ceux des autres Églises particulières, puisqu’elles sont des parties de l’unique Église du Christ. Qu’ils soient enfin attentifs à soulager, selon leurs possibilités, les malheurs dont d’autres diocèses ou d’autres régions ont à souffrir » (CD 6).
2.3. LA FOI ET MISSIO AD GENTES
Un troisième horizon théologique est la relation entre la foi et la missio ad gentes. Nous savons tous que la dimension missionnaire est très chère au cœur de notre Pontife. Je dirais toutefois, encore plus : plus d’une fois, le Pape a souligné que l’activité missionnaire est paradigmatique pour chaque activité au sein de l’église (cf. EG 15). Tout cela n’est pas nouveau, car déjà le Concile et les Papes qui l’ont suivi, ont réaffirmé la nature missionnaire de l’église. Une nature, évidemment, qui ne signifie pas simplement une dimension, mais l’essence: si elle n’est pas missionnaire, l’Église n’est plus elle-même.
Et c’est précisément ce lien entre l’église et la mission que nous sommes appelés à redécouvrir au niveau local aussi. En effet, on peut être parfois tenté de penser la mission comme une dimension supplémentaire uniquement, mais non comme la nature de l’église. Il est donc important de comprendre le lien entre la pastorale ordinaire et la pastorale missionnaire. La prise de conscience missionnaire n’est pas une chose à part par rapport à la pastorale, mais elle en quelque sorte son apogée. C.à.d.: la dimension missionnaire peut aider la pastorale ordinaire à trouver une force supplémentaire parce qu’elle la pousse plus loin. Si la pastorale ordinaire sert à réveiller la foi et à l´éduquer, alors la mission n’est rien d’autre que la continuation mature de la dynamique de la foi. Je crois que nous devons entrevoir ce lien intime entre la foi et la mission, et donc entre l’éducation à la foi et la mission parce que la mission est la foi mature. Jean Paul II avait déjà écrit dans Redemptoris missio que la crise de la mission, qui continue d’être évidente pour tout le monde, est une crise de foi. D’une manière positive, il n’est pas un hasard que le Pape Benoît XVI et le Pape François disent que la foi se développe par attraction : une foi vraiment chrétienne devient un témoignage en paroles et en actions. C’est justement pour cette connaturalité entre la foi et la mission que nous devrions tout d’abord surmonter notre malaise et parler de la mission et proposer de nouveau la rencontre et l'amitié avec Jésus comme le cœur du parcours de la foi et donc de la mission. Dans ce sens, la classique missio ad gentes n’est que la continuité de l’expérience de la foi, qui fait partie de la dynamique interne de la foi et la porte à de nouvelles opportunités. C’est un dynamisme unique qui a son origine en Dieu, qui vient à nous dans le Christ et qui nous envoie au nom du Christ à être ses témoins. En raison de cette continuité, je ne vois pas d’opposition entre la pastorale ordinaire et la pastorale missionnaire, mais une fécondation réciproque. La pastorale ordinaire ne prend pas lieu en dehors d’un chemin de sainteté, de l’action du Saint Esprit en nous et chez nos fidèles. En ce sens – je le dis très librement – la vitalité de nos églises ne se mesure pas seulement à la fréquence de la messe du dimanche, qui est également un indicateur important, mais à la vie de foi. Et seulement cette vie authentique de foi peut aider, contaminer, attirer les nouvelles générations. Ces dernières sont exposées à de sérieux risques de sécularisation, c.à.d. de l'uniformité à la culture médiatique d'origine occidentale, une culture faite de consommation de personnes et de choses, faite d'individualisme, faite de solitude. Nous ne devons pas sous-estimer l’impact fort de cette nouvelle culture à travers les médias et en particulier l’internet, une culture qui ne s’arrête pas à la religiosité traditionnelle simple. Nous avons donc besoin aujourd'hui de favoriser la croissance des communautés de foi où la rencontre avec le Christ dans la parole et les sacrements, est au milieu ; communautés où la foi imprègne la vie quotidienne. C’est à travers cette évangélisation profonde de nos fidèles qu’une Église missionnaire est façonnée parce qu’elle attire et témoigne du Christ et de son Mystère Pascal, parce que c’est Lui qui libère du mal et de la mort. Éduquer à une foi authentique comme la rencontre avec le Christ ressuscité, est la forme la plus importante de la mission.
2.4. LE BAPTÊME ET L’ENVOI
Toujours dans la ligne du Concile, qui a reconduit la missio ad gentes, à la responsabilité de chaque baptisé (cf. AG, 5), et dans la même direction de ce qui a été dit jusqu'à présent, le choix du thème du mois missionnaire extraordinaire prochain est « baptisés et envoyés. L’Eglise du Christ en mission dans le monde ». Le Saint-Père a choisi ce thème qui comprend les éléments essentiels à prendre en compte dans la planification et la réalisation de cette initiative. Baptisés et envoyés: lors du baptême, nous avons reçu la vie divine et, grâce à laquelle, nous sommes des prophètes, c’est-à-dire des hérauts du mystère du Christ, envoyés par lui. Le Christ qui nous envoie est aussi le contenu essentiel de la mission: l’Église ne transmet pas un message approprié, mais transmet ce qu’elle a reçu du Christ, à savoir sa propre personne. Je crois que j'interprète correctement le Saint-Père lorsque, avec les mêmes paroles du Pape Benoît, il dit que l'Église ne fait pas du prosélytisme: l'Église n'a pas sa propre idéologie, elle n'a pas son propre produit à proposer, mais annonce un mystère, celui du Christ, et partage Sa vie divine. Personnellement, je me rappelle constamment les paroles de Saint Paul aux Corinthiens, dans ce qui est probablement la plus ancienne profession de foi du nouveau Testament et que St Paul dit avoir reçue et faite le cœur de son annonce : « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j'avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu'il a été mis au tombeau, qu'il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, qu'il est apparu à Céphas, puis aux Douze. »(1 Cor 15,3-5). Le Christ et donc la rencontre avec Lui est le cœur de la mission de l’Eglise. Et c’est dans cette perspective que le thème est complété par une référence dans le monde. Dieu le Père a envoyé son Fils dans le monde et le Fils envoie son Église dans le monde parce qu'il aime le monde et veut l'impliquer, l'attirer, le purifier par son œuvre de salut. Il s'agit de regarder le monde avec sympathie, de le faire entrer en communion avec la miséricorde du Père, afin que le monde soit transformé grâce à la rencontre personnelle des hommes avec le Christ. En ce sens, nous devons peut-être renouveler la conviction que l'Évangile est la réponse aux blessures que l'homme porte en lui à cause du péché originel. C’est la grande perspective dans laquelle l’Église évolue et accomplit sa mission, ici et ad gentes. La prière, le témoignage et la charité peuvent être des moyens concrets afin que chaque baptisé puisse exprimer son être prophétique par le baptême. D'où la participation de tous les fidèles à nos Œuvres, comme Pauline Jaricot l'avait d'ailleurs proposée.
CONCLUSION
Comme l’Église est missionnaire par nature, de même la mission est ecclésiale par nature, parce qu’elle prolonge dans le concret du vécu humain, l’action du Christ qui passe toujours à travers des personnes concrètes. L’Église, c’est Jésus qui vit à jamais.
Il s’agit donc, pour nous chrétiens baptisés, dans notre vie, de reconnaître le visage de Jésus sur l'église, de lui donner nos visages, corps et cœurs transfigurés, de témoigner Jésus en laissant transparaître sa présence à travers nous, afin que son visage soit révélé et accessible à tout les hommes et les femmes.
Dieu a donné à l’Église une capacité reproductrice. L’Église n’existe pas seulement pour ses membres ; comme sacrement du salut, elle existe pour participer à la mission de Dieu pour la rédemption du monde. L’impact de l’Évangile dans la vie des premiers chrétiens s’est manifesté par leur capacité à être ensemble et à partager un mode de vie totalement nouveau. Ainsi, le salut institué par Jésus-Christ et porté par l’Esprit Saint dans la vie des hommes et des femmes, il transforme leurs existences, et leur fait découvrir et pratiquer l’accueil et le partage particulièrement dans la communauté ecclésiale. Dans des sociétés où le profit et la compétition sont des valeurs fondamentales, le partage et l’accueil vécus dans des communautés chrétiennes, peuvent interpeller et ouvrir une autre perspective, une perspective divine. Même à présent, l’Église peut devenir un lieu d’expérience pour tout homme, un lieu où le salut du Christ se rend visible. Voilà pourquoi l’Église est envoyée ad gentes, c’est là où le vrai sens de la mission est trouvé et compris : montrer à travers la communauté chrétienne, à travers les chrétiens transformés par l’action du Christ, que Jésus est vivant et qu’il nous donne sa vie éternelle.
* nota sull'autore
Presidente delle Pontificie Opere Missionarie